L’envers du décor d’un piétonnier mal pensé…
Ce dimanche 28 juin, à partir de midi, la Ville de Bruxelles inaugurera son piétonnier, un projet implanté sur les boulevards centraux qui fait déjà la fierté des autorités bruxelloises avant même d’avoir été mis en action.
La Ville a revu sa copie : moins Disneyland, plus Jeux de plage…
L’inauguration et les activités prévues sur le piétonnier durant l’été cristallisent, en ce moment, toutes les attentions. Le programme se veut familial, sportif, culturel, même si c’est surtout le sport et le « fun » qui se taillent la part du lion : pistes de skateboard, terrain de badminton, street 100 mètres et chronométrage professionnel, jeux d’échecs géants… Soyons de bons comptes, quand on repense aux premières déclarations sur l’aménagement des boulevards centraux, de Times Square au petit train touristique, photo de celui de Cannes à l’appui, on se dit que, face à la critique, la Ville de Bruxelles a quelque peu réfréné ses ardeurs premières… Pour l’instant, du moins !
Les récentes déclarations de Philippe Close ont, en effet, de quoi inquiéter sur le plus long terme :
« Nous avons fait le pari d’un Bruxelles qui n’arrête jamais et où il se passe tout le temps des choses. Plus il y a d’évènements, mieux c’est ! L’idée, c’est qu’il y ait toujours quelque chose à faire à Bruxelles » , conclut l’édile .
Prometteur !
Toujours pas de projet de société
Cependant, ni le piétonnier tel qu’il est conçu, ni les activités récréatives, au demeurant fort sympathiques, qui y seront organisées durant l’été, ne constituent un « projet de ville », encore moins un « projet de société ». Le public visé est clairement un public en vacances, qu’il soit ou non Bruxellois, un public libéré des contraintes du quotidien.
Les déclarations d’Alain Courtois laissent supposer que, sur le long terme, le piétonnier sera sportif, définitivement sportif : « Une ville a besoin de sport. Besoin… Comme de pain! »
Faut-il considérer ce crédo hérité de l’Empire romain comme un projet de société ? Une fois les vacances terminées, quel type de public la Ville entend-elle attirer sur les boulevards? Y a-t-il des commerces que la Ville souhaite « décourager » de rester ou dont elle se réserve le droit de ne pas renouveler le bail, via la Régie foncière ? Des échos en ce sens nous parviennent déjà de la part de plusieurs commerçants.
« If it’s Tuesday, this must be Belgium »
De récents accords signés, lors d’une mission pékinoise, entre la Ville de Bruxelles et des tour-operators chinois laissent présager, même si la Ville s’en défend, du développement d’un tourisme de masse qui aura nécessairement des conséquences sur le type de commerces de la zone piétonne. Un film intitulé « Love in Brussels » qui doit booster le tourisme est même en projet. A terme, les commerces de proximité pourraient donc être contraints de céder leur place à des boutiques-souvenirs ou de produits dérivés du futur Béer Temple, en projet à la Bourse. Les habitants du centre-ville devront-ils prendre le métro, leur voiture ou un taxi pour aller s’acheter un pain, un journal, un clou ? Un piétonnier n’est-il rien d’autre qu’un centre commercial à ciel ouvert, en concurrence directe avec une artère toute proche, avec les centres commerciaux en périphérie (existants ou projetés), ou encore, avec d’autres villes qui ont su « attirer de grandes enseignes »?
« Changer la Ville pour changer la vie »
La Ville s’est choisi un slogan. Fort bien, le changement, nous ne sommes pas contre, au contraire : mais le changement à quelles fins? Pour être attractifs ? Attractifs pour qui ? S’agit-il de changer la ville pour une meilleure qualité de vie pour l’ensemble des habitants? Ou de changer la ville pour changer également ceux qui l’habitent au profit d’un autre public « à meilleure capacité contributive » comme le disait Marion Lemesre, qui s’est également beaucoup battue pour la reconnaissance du Pentagone comme zone touristique, « à l’instar de Maasmechelen Village« … Le Fun shopping, autre projet de société après le sport. Là encore, sur le plan des ambitions de la Ville, on reste sur sa faim.
Piétonnier en suspension dans l’air, sans conséquences sur les alentours
Venons-en maintenant aux questions qui fâchent, mais qui fâchent vraiment… Celles qui concernent les conséquences du piétonnier. Celles dont les citoyens n’ont pu débattre à aucun moment dans ce dossier. Ni au conseil communal où « la règle, c’est de se taire, c’est comme ça, et si on n’est pas d’accord on s’en va » (Yvan Mayeur). Ni lors de la présentation du piétonnier par le bureau d’études chargé de sa conception : « Ce n’est pas le sujet de la soirée, allez crier ailleurs ». Ni lors de rencontres, a posteriori, avec l’échevine de la Mobilité, Els Ampe qui déclare pourtant : « J’ai rencontré les sociétés de parkings et elles étaient intéressés de construire des nouveaux parkings à Bruxelles ». De la concertation, il y en a donc bien eu, dans ce dossier. Mais pas de chance, ce n’était pas avec les habitants.
« Miniring »
Le Collège n’aime pas ce mot : ils avaient trouvé une si belle expression : « boucle de desserte »… Mais personne ne l’utilise, même pas eux lorsqu’ils s’adressent aux entrepreneurs, via le cahier des charges du parking des Brigittines (page 56) où l’on peut lire : « Le parking enterré se trouve sur la future « route des parkings » qui jalonnera l’ensemble des parkings en ouvrage du centre. »
Voilà qui est plus clair.
Ce qui ne l’est pas du tout, en revanche, c’est comment les rues situées sur ce miniring vont pouvoir absorber le flux de véhicules provenant des boulevards centraux. Après l’euphorie de l’inauguration, le réveil risque d’être difficile le lendemain, pour ne pas parler du mois de septembre, quand tout le monde sera rentré de vacances.
A moins que d’ici là, le bon sens, le réalisme et les embouteillages quotidiens n’aient remis les pendules à l’heure…
Parkings
Toutes les études le démontrent : plus on construit de parkings, plus cela attire les voitures, tel des aspirateurs ou, mieux dit, des aimants. Mais à la Ville de Bruxelles, on prétend le contraire. Yvan Mayeur n’hésite d’ailleurs pas à déclarer que ce plan vise à réduire la bronchiolite chez les enfants en bas âge… grâce à la construction de parkings supplémentaires. On espère pour ces enfants qu’ils n’habitent pas ou ne vont pas à l’école sur le trajet du miniring (la « route des parkings), comme c’est le cas de la rue des Alexiens ou de la rue des Six Jetons, par exemple.
Du reste, tels Soeur Anne, nous sommes toujours dans l’attente des chiffres ou des études qui permettraient d’objectiver les besoins réels en places de parkings, notamment sur leur taux de fréquentation, chiffres que les sociétés rechignent à comminuquer.. Tout récemment, d’ailleurs, le Centre 58 (Parking 58, Interparking) s’est vu refuser le permis d’environnement en raison, précisément, de cette absence de données.
Diminution de l’offre des transports en commun
Des lignes de bus écourtées, des terminus plus éloignés du centre, des correspondances rendues impossibles ou multipliées pour arriver à destination, la vie des usagers des transports en commun se complique, tandis que l’automobiliste, lui, pourra poursuivre sa route jusqu’aux portes du piétonnier. Et que dire des personnes âgées, à mobilité réduite, mal voyantes, mamans avec des poussettes,… Pour certains, ce sera juste plus difficile, pour d’autres, ce sera tout simplement impossible.
Dans une interview au Vif, le bourgmestre se dit tout à fait conscient de « faire les choses à l’envers » en lançant ce piétonnier, l’un des plus grands d’Europe, avant d’avoir réglé les problèmes de mobilité en amont. Il a fait les choses à l’envers parce qu’il l’a voulu comme ça, précise-t-il, péremptoire. Son style, reconnaissable entre tous.
Sondage d’opinion et concertation ne sont pas synonymes
Durant le mois d’octobre de l’année dernière, la Ville de Bruxelles a chargé un bureau d’études de planter un stand devant les marches de la Bourse, d’arrêter des passants, au hasard, et de leur poser ces trois questions.
– Etes-vous satisfait de l’état actuel de l’aménagement des boulevards ? Non à 80%
– Etes-vous informés des intentions du projet ? Oui à 77%
– Soutenez-vous le projet ? Oui à 73%
Yvan Mayeur considère ces résultats « remarquables » comme un plébiscite du projet. A noter qu’en octobre 2014, aucune des 626 personnes interrogées lors de ce micro-trottoir ne savaient exactement en quoi ce projet consistait.
Parallèlement, 60 personnes, dont 50% d’habitants du pentagone, ont pris part à des ateliers mais la plupart en sont ressortis amers, leur participation s’étant souvent résumée à choisir la couleur des bancs du futur piétonnier ou la forme des réverbères. Beaucoup déploraient également de ne pas se retrouver dans les 24 propositions finalement retenues dans la brochure de présentation du projet.
En tout état de cause, rien de tout cela ne s’apparente à un quelconque processus de concertation, en amont du projet et à un stade précoce,, quand plusieurs pistes sont encore sur la table, comme le prévoit la Convention d’Aarhus au niveau européen.
Derrière les slogans et les images photoshoppées
« Changer la Ville pour changer la vie », un beau slogan. Place au piéton, une belle image sur les panneaux JCDecaux.
Reste maintenant à découvrir ce qui se cache derrière ce décor de 50 hectares situé au coeur d’une ville où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et dont certains quartiers, moins visibles, ont un besoin criant d’infrastructures, de moyens de communication, d’aménagements et parfois, tout simplement, d’entretien…
Comme ce bâtiment du Foyer bruxellois des Brigittines sous lequel la Ville a jeté son dévolu pour remplacer le projet de parking annulé sous la place du Jeu de Balle, vous savez, celui qui se trouve « sur la future route des parking », immeuble vetuste qui tombe en lambeaux et dont l’escalier de secours extérieur est condamné depuis plus de deux ans…
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La Platform Pentagone, constituée d’une trentaine d’associations, comités de quartier, associations de commerçants,… bien que favorable au principe de piétonnier, s’oppose à ce projet, met en garde contre l’inconséquence avec lequel il a été mis en route à marche forcée et demande, en priorité, que l’offre des transports en commun (réduite dès le 29 juin 2015) soit renforcée.
Elle préconise plusieurs piétonniers plus petits, au lieu d’une vaste zone de shopping n’offrant qu’un vernis de mieux vivre Elle souhaite que le plan de mobilité dans son ensemble (piétonnier-miniring-parkings) soit soumis à un véritable processus de concertation avec les habitants et commerçants et que des études d’incidences soient réalisées, comme le prévoit le règlement régional. Pour rappel, un recours a d’ailleurs été déposé en ce sens, fin janvier, par 3 associations environnementales et 8 riverains de différents quartiers du Pentagone, membres de la plateforme.
Nous invitons les citoyens sensibles à cette vision de la ville et qui défendent la nécessité d’un débat contradictoire autour de ce projet aux enjeux multiples et complexes, à s’informer sur notre site, à signer la pétition en ligne, en tant que personnes, s’ils adhèrent à notre analyse et à signer notre charte, s’ils le font au nom d’un comité, d’un syndicat, d’une association.
Contact : info@platformpentagone.be
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MINIRING ça rime avec HAPPENING
La Ville de Bruxelles inaugure son piétonnier mais refuse de parler du Miniring : nous avons décidé de réparer cette injustice et de lui donner
toute la visibilité qu’il mérite !
Dimanche 28 juin à 13 heures
La Platform Pentagone vous convie à
L’INAUGURATION DU MINIRING
Un monument éphémère sera dévoilé à cette occasion
à l’angle de la Place De Brouckère et de la rue des Augustins
(en face de la poste)
Départ du cortège à 12 heures
(coin rue de Flandre – rue Léon Lepage)
Arrivée Place de Brouckère : 12h45
INAUGURATION à 13 HEURES
VENEZ NOMBREUX
Platform Pentagone – La Pétition – La Charte
Toutes les affiches et flyers à télécharger