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Enquête publique Bourse – Beer Temple : Lettre-type

BEER TEMPLE – ENQUÊTE PUBLIQUE

Lettre-type à envoyer à l’Urbanisme au plus tard le 29 septembre à minuit à

commissionconcertation.urbanisme@brucity.be

Concerne : Enquête publique relative à la demande de permis d’Urbanisme PU A-627/2017

Mesdames, Messieurs les membres de la Commission de concertation de Bruxelles-Ville,

Les boulevards centraux de Bruxelles sont le coeur de notre ville, de notre Région. La Bourse est au centre de nos boulevards. Son devenir, comme celui de notre démocratie urbaine, nous regarde tous !

Or, nous assistons actuellement, dans le coeur de à Bruxelles, à une multiplication de projets qui consistent trop souvent à transformer espaces ou équipements publics, au profit d’activités événementielles ou touristiques et au détriment du patrimoine, du cadre de vie des habitants, de la mixité des commerces et du droit à la ville pour tous ses usagers.

Je suis persuadé(e) qu’il y a beaucoup mieux à faire, avec les 30 millions d’euros de ce coûteux projet, que de livrer la Bourse aux grands acteurs d’une économie mondialisée.

Je vous prie donc de bien vouloir prendre note de mon opposition à ce projet qui va défigurer le bâtiment de la Bourse de manière irréversible et contribuer au développement du tourisme festif dans le centre-ville.

[ Si vous souhaitez être présent.e à la commission de concertation, insérez la phrase suivante ]
Veuillez noter également que je souhaite assister et être entendu(e) à la Commission de concertation du mercredi 11 octobre 2017. Merci de m’informer de l’heure à laquelle elle se tiendra.

Cordialement,

Nom, Prénom

[ Si vous souhaitez développer les raisons de votre opposition au projet, vous pouvez vous inspirer, en tout ou partie, des points suivants ]

Voici mes remarques et questions :

  1. Genèse du projet

    Comment ce projet est-il né ? Qui en a eu l’idée ? Dans quel cadre ?

S’il faut saluer l’initiative d’ouverture du bâtiment de la Bourse au public, force est de constater qu’il s’agit surtout d’une mise à disposition, sans concertation, d’un espace partiellement occupé, au deuxième étage, par un musée de la bière et, aux étages inférieurs ainsi qu’en terrasse, par de vastes zones, type Horeca, dédiées au commerce de la bière.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu une recherche plus approfondie sur la programmation et sur les possibles destinations du bâtiment ?

Pourquoi ne pas avoir associé les citoyens à ce processus afin d’éveiller leur intérêt, d’encourager leur participation, et, au bout du compte, d’emporter leur adhésion ? Depuis l’annonce la réaffectation de la Bourse, plusieurs idées d’alternatives à ce projet monolithique ont d’ailleurs spontanément circulé : Musée du Capitalisme, salle de spectacles, Maison du Peuple, Musée de l’Histoire de l’Immigration en Belgique, Fondation…

Le volume total disponible sur l’ensemble des étages du bâtiment permettrait aisément d’en faire un espace multifonctionnel abritant ces différents projets.

  1. Aspect patrimonial : démolitions et transformations irréversibles

    1. La gaufre géante surmontant le « skybar » :

      Outre son esthétique douteuse, la pose de cet « auvent doré » engendrera des démolitions irréversibles de parties de la toiture, alors que le bâtiment est classé. A noter qu’en raison de sa localisation, la terrasse n’offrira aux visiteurs-consommateurs qu’une vue décevante sur les gaines de ventilations des restaurants et des hôtels voisins, plutôt que sur un réel panorama.

      Pourquoi ce geste architectural clinquant et gratuit ?

    2. Éventrement du soubassement de l’angle Est du bâtiment :

      Alors qu’il existe deux entrées monumentales, le choix s’est porté sur la création d’une troisième ouverture. Celle-ci sera percée dans un des angles du bâtiment au niveau de la rue au Beurre et de la rue Tabora. Le projet prévoit donc la démolition d’une partie de l’édifice et l’aménagement d’une vitrine et d’un escalier, dans le but de mener directement les touristes, venant de la Grand Place et de la rue de Tabora, vers le Beer Temple.

      Quelle sera la prochaine étape ? Un tapis mécanique ?

Dans les documents de la demande de permis, ces transformations, minimisées, sont reprises sous la formule « zones déconstruites pour permettre la réalisation des interventions contemporaines nécessaires à la réaffectation ».

Personne n’est dupe de ce jargon, il s’agit bel et bien de démolitions : je m’y oppose fermement. S’agissant d’un bâtiment classé et situé la zone UNESCO, l’autorisation du percement de cette entrée supplémentaire pose question !

  1. Nuisances sonores engendrées par le bar-terrasse

    Sur le plan des incidences pour les riverains, les documents soumis à l’enquête publique contiennent des affirmations erronées, selon lesquelles les décibels ne s’additionnent pas, avec pour conclusion que le bruit généré par cette terrasse festive se mélangeraient aux bruits des terrasses des cafés existants, sans nuisance supplémentaire.

Il s’agit là d’une affirmation fantaisiste, voire mensongère, sans doute destinée à apaiser les inquiétudes des riverains, mais qui ne repose sur aucune base scientifique sérieuse. En outre, les 1.500 pages de l’enquête publique restent très évasives sur les heures d’ouverture (et donc, de fermeture) du « skybar », sous la gaufre géante.

Les membres de la commission de concertation peuvent-ils apporter des éclaircissements sur ces points ?

  1. Concurrence avec les cafés alentour : est-ce le rôle des pouvoirs publics ?

AB InBev (Jupiler, Leffe,…), principal partenaire privé du projet, est bien connu pour ses bénéfices (énormes) et le peu d’impôts (quelques centaines d’euros) versés en Belgique.

Mais ce géant de la bière a également à son actif la fermeture arbitraire, « pour transformation », de plusieurs cafés bruxellois, populaires et appréciés (le Daric, le Liberty, et aujourd’hui le Coq, à Ixelles, menacé de devoir fermer ses portes fin décembre).

Les raisons invoquées à chaque fermeture sont floues, voire inexistantes, parlant de « nouveau concept attrayant » permettant d’apporter une « contribution supérieure » au quartier. De la pure langue de bois, au mépris de la vie des quartiers concernés et des liens existants, notamment dans ces cafés et grâce à ces cafés où tout le monde se connaît.

Il est particulièrement inquiétant de voir les pouvoirs publics s’associer à de tels partenaires. De plus, s’il devait voir le jour et rencontrer le succès escompté (300.000 à 400.000 visiteurs/consommateurs sont attendus), le Beer Temple représenterait immanquablement une concurrence directe et déloyale envers les cafés existants, une concurrence dont la Ville de Bruxelles serait le fer de lance.

En tant que citoyens, nous attendons des pouvoirs publics qu’ils jouent leur rôle de régulateurs entre intérêts publics et privés, plutôt que de conclure, en aparté, des projets démesurés avec les promoteurs et les investisseurs aux appétits les plus féroces, sans culture et sans états d’âme.

  1. Développement débridé du tourisme de masse dans le centre-ville

    « Nous avons fait le pari d’un Bruxelles qui n’arrête jamais et où il se passe tout le temps des choses. Plus il y a d’événements, mieux c’est! L’idée, c’est qu’il y ait toujours quelque chose à faire à Bruxelles. »

Ainsi s’exprimait Philippe Close, alors Echevin du Tourisme, dans, La Libre du 22 juin 2015 à la veille de l’inauguration de Bruxelles-les-Bains et de l’ouverture du « plus grand piétonnier d’Europe ».

Le projet transformation de la Bourse en Beer Temple, au coeur d’un piétonnier « attractif », s’inscrit dans cette vision du potentiel du centre-ville, une vision à très court terme et sans prise en compte des incidences sur le tissu urbain existant.

Pourquoi avoir choisi un bâtiment comme la Bourse et vouloir concentrer le tourisme dans une micro-zone alors que Bruxelles regorge de Brasseries dans des quartiers à dynamiser ?

Certaines villes européennes ont entamé un processus de réflexion sur le tourisme de masse et ses limites. « Vivre la ville », un réseau d’associations de 50 villes d’Europe, s’est mis en place pour que l’habitabilité en ville ne soit pas mise à mal par un tourisme devenu envahissant.

L’une des principales nuisances constatée et dénoncée, dans ces villes, est celle du tourisme alcoolisé. De ce point de vue, l’affectation d’un monument de notre patrimoine à la bière (essentiellement industrielle) envoie un signal particulièrement malvenu.

« L’idée qu’il faille se battre contre les grandes métropoles européennes sur le marché de la fête est une idée relativement neuve. Elle s’explique par l’émergence ces quinze dernières années d’un nouveau segment de touristes: les «city-breakers», ces touristes qui épuisent une métropole en un week-end. Le développement concomitant des vols low-cost et d’Airbnb a fait chuter considérablement le prix d’un voyage à l’étranger, permettant à un public jeune de multiplier ces courts séjours. »

Après Berlin ou Barcelone, Paris doit-il succomber au tourisme de fête ?

Bonne question ! Et Bruxelles ?

Étrangère aux réflexions de fond en provenance d’autres grandes villes confrontées à ces questions, évasive quant à sa propre réflexion, tout porte à croire qu’elle est prête à « succomber » à son tour, quitte à faire succomber ses habitants d’épuisement…

Or en 2016, Bruxelles-Ville était la seule des 19 communes où le nombre des habitats qui l’ont quittée était supérieur (2.260 ) à ceux qui ont choisi de s’y installer.

Des chiffres interpellants qui devraient inciter la Ville, ainsi que les membres de cette commission de concertation, à s’interroger sur la fonction touristique, si l’on veut éviter que la multiplication de projets (festifs, attractifs, événementiels) actuellement en cours, finisse par étouffer les autres.

Développer un tourisme responsable qui crée des emplois durables, c’est parfaitement possible : ce projet en prend, hélas, le chemin inverse.

 

  1. Néo-Bruxellisation : attention danger !

    Dans un passé récent, les Bruxellois ont déjà payé un lourd tribut, en termes de destruction de leur patrimoine, au nom de la “modernité” et de “l’ambition”. Ils en ont conservé un douloureux souvenir, toujours vivace, tandis que dans les universités du monde entier, cette période est étudiée sous le nom de Bruxellisation et définie comme la « destruction d’une ville en temps de paix ».

    Conjugué à la multiplication des projets de grande envergure, l’agenda politique de la Région fait craindre aux observateurs une nouvelle Bruxellisation :

    • Juin 2017 : tentative de suppression de « l’avis conforme » de la Commission royale des Monuments et Sites, maintenu sous la pression d’une pétition citoyenne, mais quelle est sa véritable marge de manoeuvre ?

    • Septembre 2017 : débat et vote de la réforme du CoBAT, modifié afin de « répondre aux attentes du secteur immobilier qui éprouve de grandes difficultés à développer des projets importants vu la longueur et la complexité des procédures urbanistiques et environnementales »
      (Rudi Vervoort, Le Soir, 25 mars 2016).

      Une « réforme » qui supprimait tout garde-fou face aux appétits des promoteurs et réduirait à néant les voix citoyennes – habitants, comités de quartier, associations – concernées par ces grands projets.

L’enquête publique de la Bourse est l’occasion de réaffirmer notre attachement citoyen à ces outils, garants et marqueurs d’une démocratie digne de ce nom.

Une démocratie que nous devons pouvoir continuer de défendre au coeur de la ville, sur les marches de la Bourse, au même titre que les moments de joie ou de peine partagées, sans avoir pour décor des panneaux, néons et autre matériel promotionnel pour un « Temple de la Bière .

En espérant que ces marches ne soient pas, un « beau » jour, purement et simplement privatisées, au nom de l’ambition, de la modernité, des « réalités économiques » … ou du miroir aux alouettes.

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Sur Facebook
Platform Pentagone –  Sauvons la Bourse Sauvez la Bourse du massacre

 

QUELQUES VISUELS DU PROJET

 




De quoi la revitalisation du centre-ville est-elle le nom ?

Alors que le piétonnier du centre-ville et le projet de « redéploiement des boulevards du centre », mettent à mal de nombreux commerces existants, et que les récents événements ont accentué cette spirale, du côté des gros investisseurs, l’heure est à l’optimisme. Un récent article nous vante le nouveau centre commercial qui verra le jour à la place de l’actuel Centre Monnaie.

Devant cette apparente contradiction, il n’est pas inutile de s’en référer à l’exemple d’autres villes qui ont vu s’installer, en plein coeur de la cité, de grands complexes commerciaux. Le documentaire Mainmise sur les villes, diffusé il y a quelques mois sur Arte, est consacré à ce sujet.

Mainmise

« Ces dernières années, partout en Europe, des milliers d’habitants sont descendus dans la rue pour remettre en cause la représentation politique, mais aussi défendre le droit à l’espace urbain. (…)
L’installation d’un Ikea dans le centre-ville de Hambourg ou la construction d’un gigantesque centre commercial, portée par Auchan pour le projet du Grand Paris, arrangent les pouvoirs publics, qui n’ont plus les moyens d’investir dans l’espace urbain. Ces exemples charrient leur lot d’interrogations sur l’état de la démocratie urbaine aujourd’hui : comment la ville se transforme-t-elle et quelle place y occupent les citoyens ? Les habitants ont-ils leur mot à dire face aux technocrates, politiques, urbanistes et promoteurs qui façonnent les métropoles ? Les pouvoirs publics sont-ils toujours garants d’une ville ouverte et accessible ? »
Source Arte
Voir le documentaire

A Bruxelles, plusieurs grands projets commerciaux du centre sont à mettre au compte d’AG Real Estate (actionnaire à 51% d’Interparking), qui possède un nombre considérable d’immeubles dans le centre-ville. Cette société s’apprête à construire un grand centre commercial dans le centre Monnaie. Quant à Interparking, le Centre 58 remplacera le parking 58 et abritera les nouveaux locaux de l’administration de la Ville de Bruxelles.

L’ancien patron d’Interparking, aujourd’hui CEO d’AG Real Estate, déclarait en 2013, dans un article du Trends intitulé « Nous avons un milliard d’euros à investir »  :

Il y a un besoin urgent de concertation entre acteurs publics et privés bruxellois. On peut le faire de manière programmée et structurée, dans le cadre de PPP (partenariat public-privé) ou de procédures de permis classiques. Mais on doit également provoquer cette concertation de manière plus informelle et récurrente. C’est une nécessité aujourd’hui et le Mipim (NDLR: Salon international de l’Immobilier) est un lieu privilégié pour susciter ces rencontres et pour convaincre nos responsables politiques du dynamisme des régions ou d’entités locales forcément concurrentes, qui ont le développement économique pour priorité quasi absolue.

Une « concertation » qu’on attend toujours, du côté des habitants et des commerçants du centre-ville…

Quelques mois plus tard, en octobre 2013, AG Real Estate annonçait son projet de centre commercial situé place de la Monnaie :

« Ce projet s’inscrit dans la politique urbaine de revitalisation et de mise en valeur du centre-ville voulue par la ville de Bruxelles (…) Le nombre d’enseignes après rénovation se situera entre 5 et 12, suivant la présence ou non d’un department store (NDLR : grand magasin multispécialiste exploité par une société commerciale unique), totalisant 15.000 m² de surfaces à louer. Le projet cible des enseignes moyennes à moyennes haut de gamme, qui correspondent à une clientèle mixte citadine et touristique. Il privilégie des enseignes qui ne sont pas encore présentes sur le marché.»

Entre 5 et 12 enseignes : les petits commerces sont à l’honneur. Il est vrai que la Ville n’a jamais caché sa volonté de faire venir de grandes enseignes sur le piétonnier… tout en se voulant rassurante lorsqu’elle affirme pouvoir garder le contrôle du développement commercial de nombreuses cellules dans le périmètre du piétonnier, grâce à la Régie foncière.

Pourtant, autre projet, « Crystal City », annoncé en décembre 2015, illustre exactement l’inverse, puisque la Régie cèdera ces bâtiments, par bail emphytéotique, à un développeur privé, perdant de fait le contrôle sur le développement commercial à venir…

Le Daric et le Liberty, un cas d’école

Exactement comme cela s’était passé avec les cafés Daric et le Liberty, Place de la Liberté, qui  furent chassés en automne dernier par la multinationale AB Inbev, dont le projet est de fusionner les deux cellules et d’y installer une grande brasserie.

« Une analyse a été opérée en vue de l’expiration des contrats avec ces deux clients et a conduit à la conclusion que ces points de vente stratégiquement localisés méritaient la mise en œuvre d’un concept aussi innovant que performant en concordance avec les aspirations de la clientèle ».

Propriétaire des immeubles, la Régie foncière de la Ville n’a pas bronché et s’est bornée à confirmer une convention de gestion commerciale avec AB Inbev. « C’est donc eux qui se chargent de gérer les baux avec les exploitants, indique-t-on au cabinet de l’échevin Ouriaghli. »

Rideau sur deux cafés qui faisaient les beaux jours de la Place de la Liberté et avant-goût de ce qui pourrait bien arriver sur le piétonnier… à cette différence près que la convention passée avec AB Inbev n’est « que » de 15 ans alors que, dans le cadre du projet Crystal City, la Ville n’a pas hésité à céder ses bâtiments au promoteur chargé de sa « réhabilitation » en signant avec lui un bail emphytéotique. Si la durée exacte n’est pas précisée, on sait que ce type de bail est toujours de très longue durée, de l’ordre, le plus souvent, de plusieurs décennies.

Le piétonnier, « projet de société » ou projet de sociétés privées ?

Sur la base de tous ces éléments, on est en droit de se demander ce que cache réellement ce projet de « revitalisation et de mise en valeur du centre-ville », dont le fer de lance est le piétonnier. Sans compter ce que suppose, en termes de privatisation de l’espace public, la mutation d’un centre-ville en espace situé aux abords d’un grand centre commercial, aménagé par lui et surveillé par ses gardes privés.

Et les habitants, dans tout ça ?

Se pose également la question de l’impact sur l’évolution de l’habitat et du droit au logement. A Bruxelles, la Régie foncière est en effet propriétaire de nombreux immeubles de logements, en particulier des boulevards du centre, au-dessus des commerces. Lors du conseil communal du 25 avril dernier, Marion Lesmesre rappelait que :

« Des logements de qualité qui vont attirer des catégories de personnes permettant de mieux mixer ce centre-ville du point de vue socio-économique. »

Une variante de cette autre formule qui lui est chère : « faire venir au centre des personnes à meilleures capacité contributive… »

A moyen/long terme, donc : moins de pauvres, plus de riches. Si les pauvres deviennent moins pauvres, il y a lieu de s’en réjouir. En revanche, si le but est de les repousser plus loin, sous le tapis, tout comme le plan de circulation repousse plus loin le trafic du boulevard, difficile d’adhérer à un projet qui fera davantage d’exclus dans une société qui, hélas, n’en manque pas. Des exclus de leur propre quartier, de leurs racines, de leurs habitudes, à l’image de ces usagers de la STIB, par lesquels de nombreuses personnes âgées, qui, jusqu’au 29 juin, se rendaient au centre-ville dans l’une des lignes de bus repoussées aujourd’hui loin du piétonnier.

Pour couper court à ce qui, peut-être, ne sont que des craintes infondées, il suffirait à la Ville de Bruxelles, via la Régie foncière, de bloquer les loyers pour les années à venir, durant toute cette phase de « revitalisation » et une fois achevés les chantiers colossaux qui s’y préparent (piétonnier, Centre Monnaie, Parking 58) et qui auront inévitablement des répercussions sur la vie économie et sociale du centre-ville.

Se contenter de dire que tels ou tels projets ont des impacts économiques favorables pour les uns et néfastes pour les autres, ou qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, tantôt chez les habitants, tantôt chez les commerçants, ne suffira probablement plus à calmer les esprits.

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Piétonnier du centre : Remettre les boeufs avant la charrue!

A l’heure où le débat s’enflamme, la Platform Pentagone ose encore croire qu’un retour au bon sens et au respect
de la légalité reste possible…

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Dans ce dossier aux allures de saga, les nombreux appels au dialogue et les signaux d’alerte sont, jusqu’ici, restés vains : l’absence d’études d’incidences, pour définir le projet en amont, et celle d’un véritable processus de concertation jugés d’emblée inutiles par la Ville de Bruxelles, lui vaut aujourd’hui de devoir faire face à une fronde croissante. Souvent désordonnée et pas toujours lisible dans ses objectifs, cette bronca révèle cependant l’ampleur des dégâts déjà profonds de ce projet bâclé, imposé aux forceps, aussi bien dans le cœur des Bruxellois que dans les poumons de ceux qui vivent ou travaillent autour du piétonnier.

Bien qu’opposée à la méthodologie peu transparente de la Ville et au modèle de piétonnier choisi, la Platform Pentagone a toujours soutenu la réduction de la pression automobile et l’amélioration du cadre de vie dans l’ensemble du centre-ville.

La Platform Pentagone réclame à la Ville de Bruxelles, depuis plus d’un an, une réelle concertation sur les fondements et enjeux du projet de piétonnier ; en vain… C’est pourquoi, dans la continuité du recours introduit en février 2015 contre le Plan de circulation du Pentagone (qui induit le projet de réaménagement des boulevards), des associations et habitants du centre-ville, membres de la Platform Pentagone, ont décidé d’introduire un nouveau recours devant le Conseil d’État contre le permis d’urbanisme relatif à l’aménagement du piétonnier pour réclamer l’analyse de scénarios alternatifs, conformément au droit européen.  

Étudier les incidences d’un projet d’une telle ampleur urbanistique est indispensable à son élaboration et conditionne sa réussite.

Cela permet de définir précisément et préalablement les enjeux et objectifs du projet et de construire et évaluer, en fonction de ces derniers, différents scénarios pour n’en retenir que le plus pertinent. Le débat public sur l’opportunité du projet choisi en ressortirait plus serein, les opinions moins binaires et davantage fondées sur l’argumentation que sur les émotions, les décisions, plus pertinentes. La situation actuelle, hélas, n’engendre que clivages et crispations : les citoyens bruxellois méritent mieux !

Au lieu de suivre cette méthodologie, la Ville opère un détricotage du projet au profit des voitures et au détriment de la santé.

La Ville de Bruxelles a cru bon de faire l’impasse (illégalement) sur l’étape essentielle de l’analyse comparative de scénarios. Les mesures erratiques, prises face à l’accumulation d’effets pervers de son plan mal pensé, déplacent les problèmes mais n’améliorent pas la qualité de l’air et le cadre de vie autour du piétonnier.

À son chevet, la Région l’assiste par une campagne médiatique d’un autre âge, vantant l’accès du centre-ville en voiture, carte des parkings à l’appui (14.574 places dans le Pentagone).

« Sur le piétonnier, l’air est plus pur » aurait dit La Palice…

Mais le paradoxe de ce piétonnier et de ses conséquences, c’est que malgré la diminution incontestable du nombre total de véhicules dans le Pentagone, de nombreuses petites rues autour du piétonnier, dans la partie Ouest surtout, sont littéralement et régulièrement congestionnées.

Pourtant, jusqu’ici, l’unique priorité de la Ville, par le biais de Bruxelles-Environnement, a été de procéder à des mesures de qualité de l’air sur le piétonnier lui-même et d’en étendre les conclusions, assez malhonnêtement, à l’ensemble du Pentagone.
Il faut le rappeler, la pollution par le trafic pourrait être responsable de 2400 décès par an dans notre pays. L’enthousiasme, compréhensible et de bonne foi, de défenseurs de ce méga-piétonnier, ne peut primer sur le danger auquel sont d’ores et déjà exposés, depuis des mois, les habitants des quartiers situés tout autour.

La Platform demande à la Ville/Région/Bruxelles-Environnement que des mesures de la qualité de l’air soient réalisées d’urgence dans les rues et quartiers autour du piétonnier : c’est une question de santé publique !

En conclusion

Il faut revoir le projet dans ses fondements, pour lui conférer des bases urbanistiques et juridiques  solides et favoriser, démocratiquement, une adhésion au projet. C’est seulement à cette condition qu’un projet véritablement fédérateur pourra se développer et répondre aux attentes des habitants, travailleurs, commerçants et autres usagers qui, tous, souhaitent l’amélioration de la qualité de vie dans le centre-ville.

Ce n’est qu’en suivant les règles que l’on pourra sortir de l’impasse dans laquelle ce piétonnier s’est fourvoyé et qu’un aménagement futur ne suffira pas à sauver : la plus belle décoration intérieure d’une maison ne l’empêchera pas de s’effondrer si elle est construite sans fondations, ni poutres, ni charpente…

 

Dans le cadre d’un étude d’incidences,
les scenarios suivants pourraient être étudiés

  1. Une piétonisation mieux partagée

    Le principe de 50 ha de zones piétonnes, mais plus modestes, plus conviviales, réparties sur de petites places et rues de l’ensemble du Pentagone, plutôt que les boulevards centraux (scenario « no car » du bureau Secchi-Vigano publié par la région dans
    Bruxelles 2040, trois visions pour une métropole). Ce scénario aurait, en outre, l’avantage de réduire considérablement les coûts du projet.

  2. Scenario « trafic limité »

    Mise en place d’une « zone à trafic limité » dans tout le pentagone (accès réservé aux riverains, jeu sur la temporalité des accès), modèle de plus en plus repris en Italie et en France à la faveur des habitants.

  3. Scenario « espace partagé »

    Un espace partagé permettrait de donner la priorité non seulement aux piétons mais aussi aux cyclistes et aux transports en commun. Dans tous les cas, un projet de réaménagement du centre-ville ne peut faire l’économie, comme la Ville l’a fait arbitrairement, de la coopération avec la STIB et la Région en vue du renforcement de l’offre de transports en commun de surface, plus visible et confortable que le souterrain et, par exemple, l’étude d’une ligne de tram en surface

  4. Scenario « Plan communal de mobilité (PCM) bis ».

    Beaucoup l’ignorent mais la Ville a élaboré en 2009-2011 un Plan communal de mobilité qui comprenait des études sérieusement menées. La moindre des choses dans le cadre de la continuité administrative, du respect de l’administration, du public et des bureaux d’études concernés, serait de repartir de ce plan. La partie relative au Pentagone était basée sur une série de boucles de dessertes visant à évacuer le trafic de transit de l’hyper-centre et à favoriser l’habitat.

  5. Scenario Plan Nomo bis

    Ce scenario, largement soutenu par les associaitions et les spécialistes de la mobilité comprenait globalement moins de voitures (objectif 50%) par l’application du Plan Nomo de 2000.

  6. Scenario actuel
    Situation prévue par le projet de la Ville et actuellement en « phase-test » : piétonnier depuis De Brouckère jusqu’à la place Fontainas.

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Un boulevard, deux trottoirs : trois raisons d’être sceptiques

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Dans son bilan de huit mois de phase-test, la Ville de Bruxelles n’a pas lésiné sur les chiffres pour attester de la réussite, selon elle incontestable, de son piétonnier. Seulement voilà, en y regardant d’un peu plus près, on s’aperçoit rapidement que la rigueur des données présentées est loin d’être au rendez-vous. 

Incroyable mais vrai !

En annonçant triomphalement que la fréquentation de piétons avait doublé depuis la mise en piétonnier des boulevards du centre, la Ville de Bruxelles disait s’être basée sur les chiffres d’Atrium. Mais l’ARAU le relevait dès le lendemain, les chiffres en question ne reflétaient pas cette spectaculaire augmentation. Arnaud Texier, directeur d’Atrium confirme.

Avant la mise en place du piétonnier, les comptages étaient effectués sur chacun des trottoirs des boulevards et donnaient lieu à des chiffres séparés. Il fallait donc additionner ces chiffres pour les comparer aux derniers comptages. En additionnant les comptages des deux trottoirs, on constate une hausse, mais elle n’est pas aussi importante.

La Ville aurait donc purement et simplement « omis » de compter l’un des deux trottoirs ! Franchement… « On est la risée du monde », non ? 

De quoi semer un peu plus le trouble sur le bilan résolument positif de la Ville de Bruxelles, alors que les deux autres raisons qu’elle avait de se féliciter de son projet étaient déjà sujettes à de sérieuses réserves.

Trafic en baisse dans les rues latérales ?

Que le trafic ait globalement diminué sur l’ensemble du Pentagone, personne n’en doute. Mais la Ville nie farouchement le report de circulation sur les rues latérales du Pentagone Ouest, affirmant même que les chiffres sont en baisse.

On le relevait récemment, images du carrefour des rues Van Artvelde et Pleetinckx à l’appui, les chiffres ne disent pas tout : 10 véhicules à la minute lorsque le trafic est fluide n’ont pas le même impact, en terme de nuisances environnementales et sonores, que 10 véhicules roulant au pas, pare-choc contre pare-choc.

Comptages d’un habitant de la rue Léon Lepage

LepageMais sur les chiffres mêmes, on reste également perplexes. En septembre 2013, un habitant de la rue Léon Lepage avait réalisé des comptages pour l’asbl ProVelo. Deux ans plus tard, il a refait ces mêmes comptages, dans les mêmes conditions (par beau temps, sans travaux à l’horizon ni sommet européen). Les résultats sont parlants :

Septembre 2013 : 142 voitures entre 17h05 et 17h25 (426 voitures/heure)

Septembre 2015 : 351 voitures entre 17h05 et 17h25 (1053 voitures/heure)

Soit près de 2,5 fois de plus.

Une situation qui se répète quasi quotidiennement.

 

Amélioration de la qualité de l’air ?

La Platform Pentagone le faisait remarquer dans son dernier communiqué de presse : le Pentagone n’est équipé que d’une seule station de mesure de la qualité de l’air, dépourvue, par ailleurs, de capteurs de particules fines.

Lors de l’émission #M, sur BX1, Yvan Mayeur déclarait sans sourciller :

Malheureusement, la Région n’a pas doté notre ville de suffisamment de capteurs pour savoir exactement quel est l’impact en terme environnemental de la circulation .

La Ville affirme pourtant que le piétonnier a eu un effet très positif sur la qualité de l’air à Bruxelles, y compris aux abords eu piétonnier. Une affirmation aussi scientifique que de se réjouir de l’absence d’excès de vitesse sur une route non équipée de radar.

Pour les habitants, commerçants et usagers des petites rues et places, sacrifiées au nom du « plus grand piétonnier d’Europe », la pilule est dure à avaler. A moins qu’il ne s’agisse d’une couleuvre…

Mais face à cette communication qui frise la propagande, qui est encore dupe ? Qui peut encore croire que ce projet soit « une réussite » ?

28 juin 2015, inauguration du piétonnier : 100.000 personnes selon la Ville de Bruxelles

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Photo © Eric Danhier




Piétonnier du centre : Modifications à répétition, aveu d’inconséquence de la Ville de Bruxelles

COMMUNIQUÉ DE PRESSE du 25 JANVIER 2016

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La Ville de Bruxelles a récemment annoncé une série d’importants changements concernant le piétonnier des boulevards du centre, principalement dans le domaine de la mobilité mais aussi dans la méthode d’élaboration d’une « nouvelle identité commerciale ».

Mobilité

La Ville avait cru pouvoir se passer de concertation avec les citoyens et d’études d’incidences, pourtant requises par les droits bruxellois et européen

Les improvisations et les détricotages de son propre plan, auxquels nous assistons depuis plusieurs semaines, prouvent à l’évidence que ce projet ne tient pas la route.

Ces changements significatifs interviennent alors que la phase-test du plan de circulation est toujours en cours et qu’aucun résultat quant à son évaluation n’a été communiqué.

La Platform Pentagone s’interroge : ces modifications s’inscrivent-elles dans un plan d’ensemble visant à servir l’intérêt général ? Ou répondent-elles aux intérêts particuliers de certains commerçants ou d’habitants, parvenus à se faire entendre en-dehors des processus de concertation, par ailleurs inexistants ? Quels sont les critères d’évaluation qui ont été mobilisés pour aboutir à ces modifications ? Quelle est la méthodologie appliquée ?

La transparence, la rigueur et l’analyse scientifiques, ce ne sera donc pas encore pour cette fois… Sans parler du débat public autour de différents scénarios possibles que la Ville de Bruxelles aurait du organiser à un stade précoce du projet, quand plusieurs options étaient encore sur la table, alors que la Convention d’Aarhus l’y oblige pourtant.

Différents scénarios d’une étude d’incidences qui pourraient, par exemple, être les suivants :

  • 0 : Non-réalisation du projet (situation d’avant le 29-06-2015), les boulevards restent ouverts aux voitures

  • 1 : Seule la place de la Bourse est mise en piétonnier en guise de « verrou » afin de décourager le trafic de transit

  • 2 : Mise en piétonnier à certaines heures, ou certaines périodes (dimanches ou week end, vacances).

  • 3 : Garder le principe de 50ha de zones piétonnes, mais plus modestes, plus conviviales, réparties sur de petites places et rues de l’ensemble du Pentagone, plutôt que les boulevards centraux (scénario « no car » du bureau Secchi-Vigano publié dans Bruxelles 2040, trois visions pour une métropole)

  • 4 : Plan communal de mobilité (PCM) 2009-2011, basé sur une série de boucles de dessertes visant à évacuer le trafic de transit de l’hyper-centre

  • 5 : Globalement moins de voitures (objectif 50%) par l’application du Plan Nomo de 2000

  • 6 : Situation prévue par le projet de la Ville et actuellement en « phase-test » ; piétonnier depuis De Brouckère jusqu’à la place Fontainas

Autant de scénarios qui ne sont viables (si le but est vraiment de libérer autant que possible le centre-ville de la voiture) que s’ils s’accompagnent d’un renforcement des transports publics et de l’offre de parkings de dissuasion à l’entrée de la Région, et non pas aux abords immédiats du piétonnier, comme la Ville projette de le faire. Faute de quoi la congestion et ses nuisances persisteront…

Transports en commun

La Ville de Bruxelles annonce avoir demandé à la STIB des adaptations de certaines lignes de bus. La STIB semble désapprouver la méthode de la Ville consistant à procéder dans l’improvisation et le « bricolage » puisqu’elle a répondu (dans la presse) qu’elle « ne fera pas de commentaire avant d’avoir une vision globale de la mobilité dans et autour du piétonnier » et que « Plutôt que d’apporter des petites modifications ponctuelles, on préfère attendre la fin de la période d’évaluation. »

La Platform Pentagone a déjà maintes fois déploré la régression de l’offre de transports en commun depuis la mise en piétonnier des boulevards centraux et espère que cette période d’essai se soldera, au minimum, par le rétablissement de toutes les lignes de bus (38, 46, 47, 48, 63, 86, 88 et 95) dont les terminus ont été éloignés du centre-ville, de plusieurs arrêts parfois, augmentant les temps de parcours des usagers et décourageant les utilisateurs les plus faibles (personnes âgées, à mobilité réduite, adultes avec de jeunes enfants,…).

Rapport d’incidences : une astuce pour éluder une étude plus complète?

Signalons également l’intention de la Ville de Bruxelles de réaliser un rapport d’incidences sur le plan de circulation, admettant une fois de plus à son corps défendant, la nécessité d’étudier les choses plus avant. Néanmoins, cet outil ne portera que sur le plan de circulation et sera donc beaucoup plus succinct qu’une étude globale consacrée à l’ensemble des domaines impactés par les projets de la Ville. En outre, un rapport d’incidences est loin d’apporter les garanties d’indépendance d’une étude d’incidences, puisque la Ville de Bruxelles sera juge et partie.

Identité commerciale : une page à (ré)écrire à plusieurs mains ?

En matière de développement commercial, la Ville de Bruxelles n’a que très récemment renoncé à faire cavalier seul en acceptant de collaborer avec l’agence régionale du commerce Atrium. Jusqu’à aujourd’hui, la Ville de Bruxelles avait toujours refusé l’aide proposée par Atrium, préférant confier l’élaboration d’un schéma de développement commercial pour le Pentagone à un bureau privé (Geoconsulting) et faire appel à deux autres sociétés (City Tools et Devimo) pour développer un schéma de développement commercial pour le piétonnier. S’il on peut saluer ce changement d’attitude, reste encore à faire la clarté sur l’objectif de la Ville sur le plan commercial : un aspect qui doit être analysé dans le volet socio-économique d’une étude d’incidences.

En conclusion…

La Ville de Bruxelles essaie tant bien que mal de sauver son piétonnier en mettant en œuvre des modifications improvisées, conséquences de l’imprévoyance et de la précipitation qui ont présidé à l’élaboration du projet. La Ville a cru possible de passer en force et, selon elle, « en simplifiant les choses » par un piétonnier central. La voilà empêtrée dans une série de rafistolages, dans l’espoir, surtout, de calmer la fronde croissante de commerçants inquiets ou lésés, de plus en plus nombreux.

Ce faisant, elle complique tout, colmatant ici, créant d’autres brèches ailleurs. Plus personne n’y comprend rien, les habitants des abords du piétonnier respirent toujours aussi mal tandis que ceux de la Bourse ne trouvent plus le sommeil

La Ville de Bruxelles s’accroche à son projet de « plus grand piétonnier d’Europe » dont elle se persuade qu’il attirera massivement le tourisme… mais reste désespérément sourde aux appels à l’aide de ses habitants.

Pourtant, si la Ville ne s’est jamais cachée d’avoir outrepassé volontairement les procédures légales « qui sont une vraie partie de plaisir », il se pourrait qu’un jour, suite au recours déposé en janvier 2015 par la Platform Pentagone, elle se voie rappeler à l’ordre par le Conseil d’Etat, tant sur l’absence d’étude d’incidences que sur le manque de concertation avec les habitants, au stade où plusieurs options sont encore sur la table.

Il lui faudra bien, alors, envisager ces différents scénarios et surtout, accepter d’en débattre publiquement et dans les règles, avec l’ensemble des intéressés, ce qu’elle a toujours refusé de faire jusqu’ici… pour « aller plus vite » !




« Le Soir » sur le piétonnier : un GPS qui fait fausse route

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Cela faisait belle lurette que je ne le lisais plus. La goutte d’eau en avait été une de ces campagnes de promotion soulignant leur propre vacuité tant elles cherchent à vendre un produit sur des « valeurs » qui ne sont pas les siennes : « Le Soir se lève contre l’inacceptable », « On aura toujours raison de l’ouvrir », « Le Soir, j’y vois clair » ou encore « Le Soir. Je lis donc j’agis »… Quoiqu’il en soit, mon sevrage avait été immédiat et thérapeutique. Mais, par les bonnes grâces d’internet me renvoyant à la figure ce à quoi je tentais d’échapper, je l’ai retrouvé sur ma route et c’est surtout à travers de questions locales que j’ai eu l’occasion de tester son attachement infaillible aux valeurs qu’il affiche : « indépendance, fiabilité, citoyenneté, inspirant dans l’action ».

De l’art de l’esquive

Il y a un an, tout au long de la mobilisation contre le projet de la Ville de Bruxelles de construire un parking sous la place du Jeu de Balle, « Le Soir » avait montré peu d’empressement à couvrir le sujet. Le journal qui revendique être un « GPS dans l’actualité » et aider ses lecteurs à « faire le tri entre ce qui est dérisoire et essentiel », avait sans doute jugé que les 23.336 signataires (en trois semaines) de la pétition contre ce parking menaient un combat dérisoire…

La Ville avait fini par capituler, improvisant le déplacement de son projet sous un immeuble de logements sociaux, à 300 mètres de là, venant ainsi contredire et compliquer l’élaboration de son propre Contrat de quartier au même endroit. « Le Soir » passa sous silence tour à tour l’opposition des habitants, la débâcle des autorités mettant 7 mois à se rendre compte qu’un parking était incompatible avec l’inscription de ce terrain en zone verte, et encore leur « plan C » consistant à construire ce parking sous une gare… sans avoir consulté la SNCB, dont la fin de non recevoir tomba dans les 24h ! Savoir que la Ville procède avec tant d’amateurisme, voilà qui n’intéresse sûrement pas les lecteurs.

« Donner des armes » à ceux-ci pour qu’ils « se fassent leur propre opinion plutôt que de se limiter à leur dire ce qu’ils doivent penser », voilà l’ambition du « Soir ». Qui supposerait en l’occurrence une analyse détaillée et un débat contradictoire sur cette frénésie excavatrice et le programme dans lequel elle s’inscrit : celui de « rendre » aux piétons les boulevards du centre-ville et à la voiture les sous-sols de quatre places et les étroites artères du « mini-ring ». Ce programme — qui à défaut d’une vision cohérente repose sur un accord bancal entre socialistes et libéraux — doit à l’échéance électorale de 2018 son timing infernal et sa phobie des procédures démocratiques, comme le résume le bourgmestre Yvan Mayeur : « Il faut décider vite sinon je sais ce qui va se passer. On va être confronté à un tas d’experts et de comités qui vont donner leur avis bien entendu négatif. Sans compter les procédures légales qui sont une vraie partie de plaisir. »

Le « projet de société » que le bourgmestre est en train d’imposer dépasse largement le cadre de la mobilité : interdiction de manifester des opinions politiques sur les boulevards mais autorisation de happenings commerciaux, privatisation de l’espace public, interdiction de la consommation d’alcool en rue (sauf sur les terrasses), schéma de développement pour « upgrader » l’offre commerciale à destination notamment des touristes chinois, suppression des kiosques à journaux, installation d’écrans publicitaires géants, concession à ClearChannel pour développer l’affichage publicitaire digital sur le parcours du piétonnier, tout-à-l’événementiel, etc. Mais « Le Soir » préfère résumer la complexité de la problématique à une opposition binaire entre « partisans » et « opposants », suggérant que les voix critiques (cyclistes, personnes à mobilité réduite, automobilistes, associatif, patronat, autorités régionales, commerçants, habitants – y compris ceux qui défendent le principe de piétonnier et qui l’avaient initialement revendiqué) n’émaneraient que d’esprits retors, de partisans du tout-à-la-voiture, bref, un concert d’égoïsmes et d’archaïsmes. Cette malhonnêteté éditoriale ne consiste pas seulement à prendre parti pour les projets de la Ville, mais à le faire de manière non assumée, ne donnant la parole qu’à certains, éludant des informations et en fragmentant d’autres…

« Le Soir », quelques raisons de ne plus l’ouvrir…

En octobre, « Le Soir » ouvrait ses colonnes au philosophe et économiste Philippe Van Parijs : celui qui déclarait quelques mois plus tôt que « les habitants ne sont pas propriétaires de la ville » y proposa sa vision enthousiaste du piétonnier, gommant toute complexité, évacuant la question démocratique, réduisant les incidences de ce plan à de menus détails de « software » qui se règleront avec le temps. Une opinion relevant moins de l’analyse circonstanciée d’un membre du milieu académique que du parti-pris hâtif d’un citoyen n’hésitant pas à prendre quelques libertés avec la réalité et avec l’Histoire. Ainsi, évoquer « un retour au projet initial de nos boulevards [qui] ont été conçus à la fin du 19e siècle pour que les Bruxellois puissent flâner sur toute leur largeur, y papoter, y laisser jouer leurs enfants », c’est oublier un peu vite que les voiries étaient alors destinées aux tramways, calèches et charrettes (avant d’être accaparées par l’automobile), tandis que les trottoirs étaient dédiés aux piétons. Et c’est omettre de dire que désormais la Ville complique le cheminement des bus dans le centre et renvoie les voitures vers des artères moyenâgeuses, certainement pas conçues pour l’automobile et où on ne laisserait plus un enfant « flâner » sans masque à gaz.

Le lendemain, le quotidien qui ne renonce à rien pour faire reculer les frontières de l’ignorance et du conformisme réunissait à Mons des penseurs de la question urbaine, comme l’architecte-star Santiago Calatrava (concepteur des gares de Liège et bientôt de Mons) et plusieurs bourgmestres (dont Elio Di Rupo et Yvan Mayeur), pour un remue-méninges de haute volée à la conclusion digne de l’audacieuse « éditorialiste en chef » Béatrice Delvaux : « La ville est un être complexe, multiple, aux enjeux aussi variés que ceux qui y vivent ».

Le surlendemain, le lecteur du « Soir » pouvait ainsi apprécier avec plus de hauteur le compte-rendu de la Commission de concertation relative au piétonnier. Une demi-page signée Pierre Vassart (chef des pages bruxelloises), ne donnant curieusement aucune clef pour comprendre que cette concertation — organisée à l’issue d’une enquête publique menée à contretemps (alors qu’une phase test est en cours pour encore plusieurs mois) et avec pour seul objet à l’aménagement du piétonnier (les bancs, la suppression des bacs à fleurs,…) — ne permettait pas de se prononcer sur la préoccupation essentielle des 200 personnes présentes : celle de la mobilité. Pas un mot sur les nombreuses critiques du plan de mobilité, ni sur la revendication d’organiser une étude d’incidences, ni même sur l’absence d’études préalables — la Ville étant pourtant confrontée actuellement à des recours judiciaires pour ce motif précis. Des 3h30 de débats, le reporter n’a retenu que des paroles « [refusant] en bloc le principe même de piétonnier » ou estimant au contraire « que celui-ci n’allait pas assez loin »… propos qu’il est bien le seul à avoir entendus. Pas étonnant, puisqu’il souligne dans la foulée l’absence à la réunion d’une association qui y était pourtant présente au vu et au su de tous. En réalité, c’est le journaliste du « Soir » qui n’a pas pris la peine d’y pointer son nez et qui tenta de maquiller son absence en donnant la parole au seul échevin de l’Urbanisme.

Ce traitement de complaisance n’a évidemment rien à voir avec la proximité entre certains journalistes et élus. Ni avec le fait que les autorités communales publiaient dans « Le Soir », 15 jours après la concertation, un supplément de 28 pages d’articles non signés vantant les bienfaits de l’annonceur publicitaire de la page d’en face. La palme revenant à l’article « Les parkings, un atout pour le piétonnier bruxellois »… publié en face d’une publicité pour Interparking !

Gwenaël Breës

Article paru dans le n°22 de « Kairos, journal antiproductiviste », novembre 2015-janvier 2016 et publié sur le site bruxxel (sans capitales).

Dessin : Lison De Ridder.




Piétonnier et concertation zappée : le retour de manivelle

Durant les semaines qui ont précédé la mise en oeuvre du piétonnier, la Ville de Bruxelles a largement communiqué sur la qualité de vie et la réappropriation de l’espace public par les Bruxellois. Après bientôt deux mois de phase-test, où en est-on et que nous réserve la suite ?

Article paru dans le n° 277 de Bruxelles en Mouvement (Inter-Environnement Bruxelles)

MiracolyDans sa version estivale aux allures hybrides de plaine de jeux et d’aire de repos d’autoroute, le « plus grand piétonnier d’Europe » aura drainé, depuis fin juin, un public assez large, souvent jeune et populaire, venu profiter des activités récréatives et sportives qui ont agrémenté les premières semaines d’existence de la nouvelle attraction du centre-ville.

Depuis des semaines, médias et réseaux sociaux relaient abondamment, d’une part, l’enthousiasme, sinon l’émotion devant le spectacle de l’espace public réinvesti par les citoyens, attribuant bons points et coups de chapeau à ces élus qui ont osé « Changer la Ville pour changer la vie ». Une révolution des mentalités est en marche : distribution de bonnets d’âne aux râleurs professionnels et autres réactionnaires aigris !

Mais les médias et les réseaux sociaux relaient tout autant, sinon plus, photos et vidéos aux allures de grosse gueule de bois (ou de lendemain de victoire des Diables rouges), sources d’interminables discussions sur la propreté et la sécurité du piétonnier.

Au-delà de ces débats enflammés, les questions de fond se fraient peu à peu un chemin qui dépasse largement la limite des 50 hectares du piétonnier lui-même…

A place to be or a place to live ?

Avant qu’il soit mis en oeuvre, plusieurs voix s’étaient élevées, notamment via la Platform Pentagone, pour mettre en garde contre son côté « attraction incontournable » et ses probables effets pervers. Plus les jours passent, plus il se confirme qu’il s’agit bien de créer « a place to be » plutôt que de développer « a place to live ». À tel point que, même dans les rangs des plus enthousiastes défenseurs des premières heures du piétonnier, on commence à se poser des questions…

Plus il y a d’événements, mieux c’est !

Il y eut d’abord les déclarations de Philippe Close sur la possible concurrence entre Bruxelles les Bains et le piétonnier : « Je ne pense pas que cela fera double emploi. Nous avons fait le pari d’un Bruxelles qui n’arrête jamais et où il se passe tout le temps des choses. Plus il y a d’événements, mieux c’est ! L’idée, c’est qu’il y ait toujours quelque chose à faire à Bruxelles ». C’est bien connu, « il se passe toujours quelque chose aux Galeries Lafayette » et les chefs de rayons de la Ville de Bruxelles ne se sentent plus. L’apothéose de cette mutation sera sans conteste l’ouverture du futur Beer Palace, à l’automne 2018. En octobre, diront les mauvaises langues…

Zot Day

Ensuite, on nous annonça que le 16 septembre se tiendrait un nouvel événement baptisé le Zot Day, dédié aux sports extrêmes, au cours duquel les Red Bull X-Fighters et quatre pilotes de motocross freestyle décolleront à plus de 10 mètres de hauteur sur une piste de 80 mètres de longueur. Diantre ! Du motocross sur un piétonnier et sponsorisé par une marque de boisson énergisante aux propriétés contestées. La Ville n’y trouve rien à redire…

Privatisation de l’espace public et tourisme irresponsable

Par une belle journée de fin juillet, tout le quartier de la Bourse se mit à trembler pour le plus grand plaisir des festivaliers de Tomorrrowland qui « profitaient de leur pass pour goûter à nos pils et à nos frites » … qu’ils étaient les seuls à pouvoir consommer grâce à leur entrée. Ces early birds venus des quatre coins de la planète à grand renfort de kérosène furent même qualifiés de leaders d’opinion par Philippe Close. Voilà donc le tourisme irresponsable d’une jeunesse dorée élevé au rang d’opinion !

Et les récents contrats signés avec des tour-operators chinois ne rassurent pas davantage : la Ville de Bruxelles fonce bille en tête sur la pente savonneuse d’un tourisme de masse et festif aux effets pervers nombreux et rapidement ingérables.

Ne pas dépasser !

Dans la lignée de ce benchmarking, à un jet de pierre du piétonnier, sur la place Sainte Catherine, on cause aussi « espace public » ! La Ville y a donné l’autorisation d’installer des terrasses de restaurants et fait supprimer les bancs publics : « Des gens étaient là toute la journée à ne rien faire et à boire, il fallait que ça cesse. » (Marion Lemesre).

L’échevine du Commerce renvoie ceux qui cherchent un terrain de jeu vers d’autres espaces tels le nouveau piétonnier. Jouer : ici. S’asseoir, là. Défense de ne pas consommer. Voilà donc le projet de société supposé « Changer la Ville » se muer en alibi parfait pour cloisonner ce que l’on peut (doit) faire, où, quand, comment.

Et demain ?

N’en doutons pas, le sujet est loin d’être clos et les positions, loin d’être figées. Chaque jour, des lignes bougent et le retour de vacances les feront bouger encore : on n’a même pas abordé ici la question de la mobilité, de la dégradation de l’offre des transports en commun, des parkings,…

Mais chaque jour se précise aussi ce qui est sans doute la source des fausses notes de ce projet : le manque de véritable concertation en amont de sa mise en place. Yvan Mayeur a beau marteler qu’il y a eu plus de 150 rencontres – si tant est qu’elles aient vraiment eut lieu – ce qu’il en décrivait récemment sur les ondes de la RTBF en dévoile, en réalité, toute la faiblesse : « Nous avons rencontré des comités de quartier, par exemple, Saint-Jacques et Saint-Géry, leurs demandes sont totalement contradictoires.»

Ce que le bourgmestre semble oublier, voire tout simplement ignorer, c’est que la concertation, ce n’est pas rencontrer des citoyens ou des associations une par une, satisfaisant les uns, parce qu’ils cadrent dans le projet fantasmé de la Ville, reconduisant poliment les autres, bredouilles, vers la sortie.

C’est, au contraire, tenter, par la discussion entre tous les acteurs concernés, dont les réalités sont différentes mais pas forcément inconciliables, de définir des enjeux communs afin qu’une idée couchée sur papier devienne un réel « projet de société » et pour que « Changer la Ville pour changer la vie » ne reste pas que le slogan d’une campagne publicitaire bien orchestrée, fût-elle électorale…

Qui aura le courage de relever le gant avant qu’il ne soit trop tard pour répondre à cette question qui nous brûle les lèvres : Changer la ville, oui, mais pour qui ?

Bruxelles, le 7 août 2015
Isabelle Marchal, habitante de la Place du Nouveau Marché aux Grains,
membre de la Platform Pentagone




Florilège de citations

Il faut décider vite sinon je sais ce qui va se passer. On va être confronté à un tas d’experts et de comités qui vont donner leur avis bien entendu négatif. Sans compter les procédures légales qui sont une vraie partie de plaisir

Yvan Mayeur lors de la présentation du projet de piétonnier 2 janvier 2014, RTBF Info,

 

Malheureusement, la Région n’a pas doté notre ville de suffisamment de capteurs pour savoir exactement quel est l’impact de la circulation en terme environnemental

Yvan Mayeur, lors de l’émission #M sur BX1, 1er mars 2016.

 

Bruxelles Les Bains et le piétonnier ne vont-ils pas se faire concurrence ?
Je ne pense pas que cela fera double emploi. Nous avons fait le pari d’un Bruxelles qui n’arrête jamais et où il se passe tout le temps des choses. Plus il y a d’évènements, mieux c’est ! Et je ne crois pas que l’un ou l’autre se fera phagocyter. Ce sont des événements complémentaires, ils vont créer un effet d’entraînement. L’idée, c’est qu’il y ait toujours quelque chose à faire à Bruxelles« .

Philippe Close (PS), échevin du Tourisme Interview du 22 juin 2015 dans La Libre

 

Pourquoi le Pentagone ne pourrait pas être reconnu comme zone touristique, alors que Maasmechelen Village l’est?

Marion Lemesre, échevine du Commerce, Conseil communal du 9 février 2015.

 

« Le pouvoir, c’est de ne pas partager toute l’information et de la garder pour soi » 

268520_10152778967173580_711867604166918591_nRéponse d’Yvan Mayeur à la question : Les juristes de la Ville ont-ils réfléchi aux conséquences, si le Conseil d’Etat annule le plan de circulation ? (Conseil communal de la Ville de Bruxelles, le 23 février 2015)

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J’ai demandé aux sociétés privées, de manière informelle : Est-ce que vous seriez intéressées (sous-entendu : par la construction d’un parking); j’ai posé la question à 20 sociétés de parking et sur les 20 sociétés, il y en avait beaucoup qui étaient intéressées. (…) Il faut quand même d’abord voir si il y a de l’intérêt avant de lancer le dossier, c’est normal…

Els Ampe, Echevine de la Mobilité, lors de la rencontre avec les habitants à la Salle des Milices de l’Hôtel de Ville, le 09/12/2014.

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« Nous essayons aussi que les automobilistes qui pénètrent dans le Pentagone évitent au maximum les quartiers résidentiels ».

Els Ampe, dans un article de l’Avenir du 20 décembre 2013.

Donc, la Place du Jeu de Balle, Le Nouveau Marché aux Grains, la Place Rouppe et Yser-Les Quais ne sont pas des quartiers résidentiels, selon l’Echevine de la Mobilité.

Pourquoi le Pentagone ne pourrait pas être reconnu comme zone touristique alors que Maasmechelent Village l’est ?

Marion Lemesre, Conseil communal du 9 février 2015.

Alors, oui, je veux une concertation. Je veux dialoguer avec les gens. Je veux trouver des solutions pragmatiques. On ne peut pas rester inactif. Ce serait nier la réalité et nier la vie quotidienne des habitants des rues adjacentes. J’ai entendu les questions qui ont été posées. Oui, il faut plus de pédagogie et de concertation.

Yvan Mayeur, Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, lors du Conseil communal du 01/12/2014.

Qu’entend exactement le Bourgmestre par «  pédagogie » ? Le supplément de 103.000€ voté au Conseil communal suivant pour la « Communication concernant le plan de Mobilité  (euh, de circulation) » ?
Pour ce qui est de la concertation, les citoyens l’attendent toujours…

S’agissant des parkings et de la Place du Jeu de Balle, je suis un amoureux des Marolles. (Réactions dans le public) …
Nous essayons de trouver une solution. Le parking en est-il une? Nous ne le savons pas. »

Yvan Mayeur, Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, lors du Conseil communal du 01/12/2014.

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Je sais que dans les Marolles, la plupart des gens n’ont pas de voitures, mais je leur demande d’être solidaires avec ceux qui en ont une.

Els Ampe, au Café La Brocante, réunion d’information avec les habitants des Marolles, le 08/12/2014.

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Je sais que ce plan fait peur. C’est normal, parce que c’est nouveau et quand c’est nouveau, ça fait peur. 

Els Ampe répète cette phrase à chacune de ses rencontres avec les habitants, commerçants, sur les plateaux télés… s’inspirant peut-être, consciemment ou non, d’une technique de coaching assez simpliste où l’on sous-entend que le rejet de la nouveauté est fondé sur une peur irrationnelle plutôt que sur des arguments. Cette stratégie est généralement utilisée pour désamorcer, voire discréditer d’emblée toute critique, même constructive, d’un nouveau projet, d’une nouvelle méthode de travail, d’un nouveau chef d’entreprise…

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Une telle mesure apporterait un confort dans ce quartier et accroîtrait l’attractivité de ses logements, avec pour conséquence éventuelle l’arrivée d’habitants à meilleure capacité contributive. 

Marion Lemesre, Echevine du Commerce, au sujet du projet de parking sous la Place du Jeu de Balle, lors du Conseil communal du 27/11/2014. En langue de bois, «arrivée d’habitants à meilleure capacité contributive» signifie gentrification.

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D’abord je voudrais rappeler que tout le monde parle « des » Marolles alors qu’en fait, c’est « la » Marolle…

Fahouzia Hariche, échevine de l’Enseignement de la Ville de Bruxelles, dans l’émission Les « Experts » du 06/12/2014 sur Télé Bruxelles.

L’échevine de l’Enseignement a tort de vouloir jouer les professeurs : les deux existent mais désignent des quartiers différents.

En l’occurrence, si’ l’on parle de la Place du Jeu de Balle, il s’agit bien « des » Marolles, comme on peut le lire sur le site de la Ville de Bruxelles

Le quartier de « La Marolle » englobe la partie de la Ville qui est délimitée par la rue Haute, les remparts (actuellement, la petite ceinture) et l’arrière du Palais de Justice. (…)

« Les Marolles » au pluriel, symbolisent la partie sud du Pentagone. Sa place du Jeu de Balle est le point central.

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A suivre…

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« Vous pouvez aller crier ailleurs »

Le 22 janvier, dans la salle de l’Ancienne Belgique, la Ville de Bruxelles dévoilait
les secrets de son piétonnier au public…

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C’est beaucoup dire que la Ville de Bruxelles présentait son projet ce soir-là, car les politiques présents au premier rang ne sont jamais montés sur scène, s’en sont allés pour la plupart avant la fin et ont laissé les membres du bureau d’études se débrouiller tout seuls avec le public (des citoyens, des électeurs)…

Dans la salle, plusieurs centaines de personnes, la plupart d’entre elles, mobilisées depuis plusieurs mois déjà ! Mobilisées contre ce piétonnier, trop grand, mal pensé et entouré d’un miniring aux conséquences environnementales dont on ne trouve trace nulle part dans les études (s’il y en a). Mobilisées aussi contre les parkings – conséquences du piétonnier trop grand et de la volonté politique d’attirer les automobilistes le plus près possible de la « zone confort ».

Mais du miniring et des parkings, il ne sera pas question : « On ne parle pas de ça » sera le seul mot d’ordre asséné par la modératrice du débat (quel débat ?) où de nombreuses questions seront posées, suivies de rares réponses et de nombreux silences, raclements de gorge, regards perdus et autres rappels à l’ordre de l’assistance…

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Et quand certains participants aux « ateliers » organisés par le bureau d’études s’étonneront que les sujets abordés ne soient pas repris dans la présentation, la réponse sera : C’est normal, après les ateliers, on est retournés dans la rue pour demander aux gens ce qu’ils en pensaient.

Précisons que l’étude se fonde sur des questions posées à 626 personnes prises au hasard dans la rue et que les groupes de travail étaient formés de 60 personnes dont la moitié n’habitent pas le quartier… Etrange méthodologie pour un projet qui se prétend le projet des Bruxellois.

Au fil des slides, le public sera bercé d’images de synthèses et de noms qui chantent aux oreilles: Vallée-confort, Mi-pente confort, Pentagone apaisé… On y croit !

De cette soirée, on retiendra enfin l’image d’Yvan Mayeur, Bourgmestre aux abonnés absents quoi que présent, s’éclipsant avant la fin, « comme un voleur » dira-t-on à juste titre sur TV Brussel… Sans oublier le mot de conclusion de la modératrice : un « Vous pouvez aller crier ailleurs » plein de morgue qui en dit long sur l’idée de la Démocratie qu’on se fait dans les allées du Pouvoir de la Ville de Bruxelles.

Mais tout n’est pas perdu : le bon peuple pourra choisir un nom au projet, sorte de petit hochet qu’on agite pour l’amuser. Vraiment c’est trop, il ne fallait pas !

On a hâte de connaître  la suite de ce feuilleton passionnant !

NB : Les études d’incidence du plan de circulation de la Ville lié à ce piétonnier ne sont toujours pas connues, si tant est qu’elles existent.

Consulter les divers documents sur le piétonnier sur le site de la Ville de Bruxelles

Lire ici le compte rendu de Raf Custers (en néerlandais)

UN PIÉTONNIER DÉSESPÉRÉMENT PRO-VOITURES…

 Nouveau Piétonnier




Parkings en chantier, arbres en danger !

Tous ceux qui habitent en ville le savent : les places et les rues bordées d’arbres contribuent au bien-être, à la détente, à la convivialité, mais aussi et surtout, ces « fabriques d’oxygène » jouent un rôle important dans la qualité de l’air que nous respirons. 

0P1800210Du reste, ils contribuent à donner de la vie aux quartiers, bien plus qu’on ne l’imagine… Dans son excellent Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles, Jean d’Osta raconte, au sujet de l’avenue de Stalingrad :

« Jusqu’au milieu des années 1940, elle était bordée de platanes, mais ils furent abattus à la demande de nombreux commerçants de l’avenue, affligés de l’assombrissement dont pâtissaient leurs vitrines à cause de ces grands arbres trop feuillus. Dénuée de sa parure, l’avenue paru laide et déserte… et la clientèle des magasins se raréfia encore. »

Voilà qui donne à réfléchir…

Qu’en est-il du projet qui nous occupe ? Les 4 places où sont prévus les parkings sont plantées d’arbres. Dans le cas de la Place du Nouveau Marché aux Grains et du Quai du Commerce, il s’agit d’arbres à hautes tiges, en l’occurrence, des platanes.

Qu’adviendrait-il de ces arbres, si la Ville de Bruxelles s’entêtait dans ses projets de parkings ?

L’échevine de la Mobilité se veut rassurante, mais… Le cahier des charges ne mentionne qu’un laconique « Il y a lieu de » préserver les arbres de la place. Autrement dit, de belles intentions mais rien de concret.

Or, malheureusement, les exemples abondent de chantiers et travaux de voirie lourds, en surface ou en sous-sol, où il a fallu procéder, quelques années après, à l’abattage d’arbres dont les racines avaient été irrémédiablement endommagées par les travaux en question ou qui ne trouvaient plus, dans un sous-sol modifié par les constructions, les éléments nécessaires à leur survie…

On se souvient, par exemple, des marronniers de l’avenue Louise, abattus 5 ans après le réaménagement, par la STIB, de l’arrêt de tram au croisement de l’avenue Legrand: un rapport du bureau Arboriconseil confirme d’ailleurs le motif de leur abattage.

Un architecte-urbaniste présent lors de la rencontre entre l’Echevine de la Mobilité et les habitants (9/12/2014, Salle des Milices de l’Hôtel de Ville) s’est exprimé on ne peut plus clairement à ce sujet : laisser croire que l’on pourra construire un parking sous la Place du Nouveau Marché aux Grains et ses magnifiques platanes sans signer, à terme, leur arrêt de mort, relève du mensonge. Une attitude irresponsable qu’il n’a pas hésité à qualifier de scandaleuse !

La menace qui pèse sur les arbres est donc bien réelle !

Voici d’un exemple de construction de parking souterrain, à Paris (Boulevard Saint Michel, artère bordée d’arbres). L’entreprise qui avait réalisé les travaux en 1997 avait affirmé que les arbres seraient préservés :

« On utilise une hydrofraise “latine”, outillage le mieux adapté à l’exigüité de l’emprise du site tant au sol qu’en hauteur (passage entre et sous les arbres) et à la présence de terrains durs… »

Tout est sous contrôle ! Dormez tranquilles, braves gens, nous dit ce prospectus, en 1997… Mais qu’en est-il aujourd’hui  ?

Voici une capture d’écran de Google Street, à l’endroit où on été réalisés les travaux. Image3

Les 2 deux tiers sont de jeunes pousses qui ont été plantées à la place des arbres d’origine qu’il a fallu abattre : pourris par les racines, ils étaient devenus instables et dangereux.

En plein centre ville, les arbres ne sont pas un luxe, ils sont tout simplement indispensables! Une raison supplémentaire de s’opposer à la construction de parkings qui eux, sont inutiles…