Une lecture critique du « plus grand piétonnier d’Europe », parue dans Transports urbains, revue trimestrielle française d’information et de documentation publiée par le Groupement pour l’Étude des Transports Urbains Modernes.
Une analyse très argumentée de la situation existante, de l’héritage historique du lieu choisi, du projet et de la procédure suivie. En voici les conclusions :
Par diverses modalités, le projet présente tout à la fois une forme d’avancée et une forme de recul.
« L’avancée » : le projet exprime une société qui évolue vers la « ville business », qui met toutes les villes dotées d’une ambition internationale dans une compétition effrénée, démontrée par le slogan assumé de « plus grand piétonnier d’Europe » (ce qui est d’ailleurs discutable). Toutefois, le projet n’a pas d’abord été pensé au profit d’une ville habitante, creuset d’une grande diversité et d’un « frottement urbain. Sous sa forme actuelle, il est plutôt « sectorisant » et conforte une séparation entre l’hyper-centre et le reste du pentagone.
Le « recul » vient essentiellement de la politique de mobilité assumée qui, sous des dessous enjolivants, nous paraît en fait refléter la recherche d’un hyper-centre bien accessible en voiture particulière pour les classes moyennes ou aisées habitant plutôt en banlieue, les autres aspects étant de facto terriblement dépendants de cette logique déterminante : un projet brutal dans la logique, sinon du « tout à l’automobile », du moins du « d’abord et surtout à I’automobile.
Dans un sens à la fois atténuateur et davantage intégrateur, le projet pourrait prend la forme d’un espace partagé (zone de rencontre) étendu au moins à l’hyper-centre voire à la plus grande partie du pentagone (aujourd ‘hui déjà zone 30), qui n’exclurait pas l’automobile mais veillerait à lui octroyer une place fort réduite dans l’espace public, en volume mais surtout en comportements.
Complémentairement, la plupart des rues seraient remises à double sens (tout l’inverse de ce que la Ville privilégie), de manière à ce qu’elles soient perméables.
Enfin, la Ville pourrait appuyer un nouveau projet urbain en lien avec le projet de piétonisation, afin de réduire les ruptures dues à des projets majeurs de démolition-reconstruction qui ont eu lieu dans les années 1960 à 1980, en cherchant à restituer des alignements bâtis à front — et dans le gabarit initial — de ces boulevards (moyennant éventuellement une archi-tecture résolument contemporaine !), veillant ainsi à la fois à rétablir une continuité formelle et attractive et à renforcer la présence et la force des places qui jalonnent cette trace urbaine majeure dans le centre historique de Bruxelles.
Illustration : Carte postale de Donaldville, Blasco Pisapia.